Tambour - skor yeam ស្គរយាម


MAJ : 3 décembre 2023


Le skor yeam du Vat Reach Bo (Siem Reap) en 2006. La peau est ornée d'un fleur de lotus peinte.
Le skor yeam du Vat Reach Bo (Siem Reap) en 2006. La peau est ornée d'un fleur de lotus peinte.

Skor yeam ស្គរយាម est un grand tambour en tonneau, parfois cylindrique, plus rarement conique. Il est monoxyle (fait dans une seule pièce de bois), mais on rencontre aussi, quoique rarement, des exemplaires fabriqués à partir de fûts de vin ou d'alcool de type Cognac, recyclés sous le Protectorat français. Le skor yeam est aussi dénommé skor peiry ou skor chey car il était autrefois utilisé pour battre les signaux de commandement pendant la guerre, pour rassembler les troupes ou encore signaler un danger. De tels tambours étaient déjà utilisés à l'époque angkorienne en contexte martial.

Aujourd'hui le skor yeam se rencontre essentiellement dans les monastères bouddhiques. Il est frappé deux fois par jour pour convier les moines à la prière et aux services religieux. Aujourd'hui, le skor yeam est sculpté dans le tronc de gros arbres encore disponibles tel chankiri ចាន់គីរី et koki  គគីរ. Autrefois, dans l'abondance, d'autres essences étaient employées : chreh, neang nung នាងនួន, tnout, khnor ខ្នុរ, cocotier daemdaung ដើមដូង (après la Révolution). La taille des tambours varie considérablement ; elle est liée aux moyens financiers du monastère, au desiderata de son vénérable ou à la disponibilité des pièces de bois… Le fût peut être brut, vernis, peint, décoré de motifs au pochoir, sculpté de décors floraux, notamment des fleurs de lotus. 

Les larges membranes sont en peau de vache ou de buffle. Elles sont fixées avec une ou deux rangées de clous de bambou ou de métal. À notre connaissance, les plus beaux tambours du Cambodge se trouvent au Vat Reach Bo à Siem Reap.

Selon le cas, les skor yeam sont posés sur un support à hauteur d'homme ou suspendus. On trouve, à l'intérieur de certains tambours anciens, des ressorts de traction apportant une certaine résonance. Cette pratique disparaît avc la nouvelle génération de facteurs.


Jeu

Dans les monastères, le skor yeam est généralement frappé deux fois par jour par de jeunes moines avec un uniquement bâton de bois, de bambou plein (rhizome recourbé) ou une mailloche. Si ce type de tambour est très ancien, la séquence frappée ne l'est pas moins  ; elle est même très stable, d'un monastère à l'autre. Elle est construite sur trois frappes similaires répétées selon un tempo propre à chaque monastère, voire chaque moine, et terminée par une frappe conclusive. Elle compte parmi les plus anciens tambourinages qu'il soit donné d'entendre dans cette région du monde.

Ce tambour a été commandé et installé par le Vénérable Pin Sem en 2015. On remarquera les décors typiques de la période d'Angkor Vat.



Skor yeam du Vat Reach Bo (Siem Reap) de 2008 à 2015

Le Vénérable Pin Sem, qui dirige le Vat Reach Bo, n'a de cesse d'amener vers la perfection tout ce qu'il entreprend. Nous avons pu suivre l'évolution des skor yeam de ce monastère entre 2008 et 2017. On remarquera tout particulièrement le tambour Hennessy, datant du Protectorat français et la perfection d'exécution du tambour de 2016 (deux instruments identiques ont été réalisés).



Skor yeam Hennessy du Vat Svay (Siem Reap)

Comme au Vat Reach Bo, le Vat Svay possédait un tambour réalisé avec un fût d'alcool. Lorsque nous l'avons découvert en 2016, il était en triste état, ce qui nous a permis d'en photographier l'intérieur.



Tambours d'autres monastères


Fabrication

Les skor yeam sont entièrement fabriqués à la main car il n'existe pas, au Cambodge, de tours à bois suffisamment grands pour les tourner. Les fabricants utilisent des haches et des herminettes pour dégrossir l'extérieur et les percer. Les peaux de buffle sont tendues au sol ou sur des cadres puis séchées au soleil. Les peaux sont clouées avec des clous en bambou ou en métal.


Exemple d'utilisation contemporaine (2021)

Le 23 mars 2021, le Premier Ministre du Cambodge, Hun Sen ហ៊ុន សែន, relayé par le Ministère des Cultes et des Religions, a invité tous les monastères du pays à frapper les instruments dont ils disposaient cinq fois par jour (5h, 11h, 14h, 17h et 20h), à savoir tambours, gongs et cloches, afin d'appeler le peuple à la vigilance face la pandémie du COVID 19 et ce, jusqu'à la fin de la vague épidémique déclenchée le 20 février à Phnom Penh. Cette campagne avait pour but de maintenir les Cambodgiens vigilants afin qu'ils suivent strictement les "3 choses à faire et 3 choses à ne pas faire” : porter un masque, se laver les mains, maintenir une distance physique de 1,5 mètres, éviter les espaces clos, les lieux bondés, ne pas se toucher ni s’embrasser. Nous rapportons ce fait sur ce site car de telles occasions sont (fort heureusement) rares et rappellent à chacun l'objectif premier de ces outils sonores. 

Aux côtés des grands médias et des réseaux sociaux, les instruments ancestraux de communication distante font leur réapparition. Si les bouddhistes ont l'habitude de les entendre au quotidien lorsqu'ils appellent les moines à la prière ou pour les repas, ils n'ont en revanche pas l'habitude d'entendre simultanément.

Ici, au Vat Reach Bo de Siem Reap, quatre moines frappent, selon trois sessions traditionnelles, deux grandes cloches de bronze rokeang រគាំង et deux tambours skor yeam sous les ordres vocaux d'un cinquième moine puisque les deux paires d'instruments sont distants d'une soixantaine de mètres.