Guimbarde - angkuoch - អង្កួច


MAJ : 2 décembre 2023


L'utilisation de la guimbarde en bambou angkuoch អង្កួច est devenue extrêmement rare au Cambodge. Autrefois, cet instrument était principalement employé dans les rituels de séduction entre jeunes hommes et jeunes femmes au sud-est asiatique. Cependant, de nos jours, il a été largement supplanté par le smartphone.

 

Sounds of Angkor a fait la rencontre du dernier artisan khmer, M. Krak Chi.

Né en 1950, M. Krak Chi réside dans le village de Srah Srang, situé au cœur du parc archéologique d’Angkor, à proximité du bassin éponyme et du temple de Banteay Kdei. En plus d'être riziculteur et chef de village, il consacre ses moments libres à la fabrication de guimbardes. Ses souvenirs d'enfance sont imprégnés des mélodies de son père jouant de la guimbarde, notamment lors des soirées de détente. Il se rappelle également que les enfants du village achetaient ces instruments aux artisans locaux pour les revendre aux visiteurs dans les temples, en particulier à proximité du Ta Prohm voisin.

 


Organologie khmère

Krak Chi distingue quatre parties proprement nommées dans une guimbarde : la tête, la langue, les couvertures et la poignée. Les couvertures sont deux fines lamelles de bambou insérées (parfois collées) permettant d'épouser les contours de l'extrémité de la langue. Elles sont essentielles à la production sonore.


Usage

Autrefois, les jeunes gens l’utilisait pour courtiser les jeunes filles. Krak Chi se souvient d'une vieille coutume qui consistait à mettre de la "cire de charme" sur la langue de l’instrument pour s'assurer de l’irrésistibilité des avances faites aux filles. Cette cire de charme, plus usitée aujourd’hui par les Khmers, est encore employée chez sur les guimbardes des minorités ethniques des confins forestiers et frontaliers du Cambodge, du Viêt nam et du Laos. Il s’agit d’une charge de cire en forme de corne de buffle qui modifie la vitesse de vibration de la lame et, par conséquent, la hauteur du son de base.

Krak Chi témoigne également de l’utilisation désuète de la guimbarde comme outil de “joute verbale/chantée” — mais sans paroles ! — chhlaey chhlang ឆ្លើយឆ្លង.


Technique de jeu

Le principe du jeu de la guimbarde repose sur la variation de l'ouverture de la cavité buccale, comme si l'on parlait ou chantait, mais sans utiliser les cordes vocales. La langue de l'instrument les remplace. Lors de l'interprétation d'une chanson par exemple, le joueur de guimbarde suit la mélodie et les paroles de mémoire, et active la langue de l'instrument sur les mots ou syllabes. La variation de volume de la cavité buccale simule les voyelles.


De la riziculture à la facture de guimbardes

Krak Chi commença à s'intéresser à la fabrication des guimbardes au milieu des années 1990. Son jeune fils, Chi Chen, avait l'habitude d'en acheter à un célèbre fabricant, M. Mong Koeuy, dans le village voisin de Preah Dak, pour les revendre aux touristes. En mars 1998, lors de mon (Patrick Kersalé) premier voyage au Cambodge, j'ai moi-même rencontré un jeune garçon handicapé, Lath Soy (25 ans à l’époque) qui fabriquait des guimbardes dans ce village ; il était un disciple de Mong Koeuy. Ces deux hommes ne sont aujourd’hui plus de ce monde.

En regardant Mong Koeuy fabriquer ses instruments, Krak Chi décida d'apprendre à son tour, motivé d'une part par la perspective de tirer un revenu modeste de leur vente et, d'autre part, par le désir de perpétuer la tradition. Aujourd'hui (2021), compte tenu de son âge et de ses activités de chef de village, Krak Chi consacre peu de temps à la fabrication des guimbardes. Il y travaille généralement entre 8h00 et 10h00 du matin. Le temps de fabrication est d’environ 50 minutes pour une personne très experte comme lui. Afin de perpétuer la tradition, il a enseigné la fabrication à ses fils et petits-fils.


Fabrication d'une guimbarde en bambou

Cette vidéo offre tous les détails de la fabrication d’une guimbarde en bambou. Elle est taillée dans de gros bambous poussant en bouquet ; l’épaisseur des chaumes est de l’ordre de 1 à 3 cm ou plus selon leur âge. On remarquera l’usage d’un nombre restreint d’outils : un couteau traditionnel khmer à manche long (kambet bantoh - កាំបិតបន្ទោះ) tenu sous l’aisselle, deux ciseaux à bois de largeurs différentes et un heurtoir, en l’occurrence une hache dont Krak Chi utilise la tête en guise de marteau. On observera aussi la structure fibreuse du bambou qui permet ce travail de précision, à une épaisseur de fibre près.

Date de tournage : 15 décembre 2017. Village de Srah Srang. Siem Reap Angkor.



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