Musicothérapie en période post-conflit/crise

MAJ : 25 janvier 2022


Préambule

Il est question, dans cet article, de musicothérapie. Ce seul nom évoque un concept “occidental” (dans le sens de “société technologique”, donc pas seulement située en Occident) créé de toutes pièces avec des sons et des musiques provenant d'horizons divers, à l'image des pratiques spirituelles empruntées par exemple à l'Orient où chacun mixe ce qui lui semble bon. Cette pratique occidentale, créée de toutes pièces, sous tutelle d'un État, de fédérations, dispensée par des thérapeutes diplômés, tarifée, est à distinguer de celles, involontaires, réalisées par chacun d'entre nous pour nous-même, par des musiciens, des communautés villageoises dans les sociétés au mode de vie traditionnel, des responsables religieux lors des cérémonies où le son et la musique ont une place prépondérante, et bien d'autres encore. Si Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, ces acteurs que nous venons de citer, font eux aussi de la musicothérapie sans le savoir. Mieux encore, nous n'avons pas toujours conscience que nos choix musicaux, qui diffèrent selon nos humeurs, font de nous des musicothérapeutes dans l'instant où nous faisons ce choix. 

Par-delà les pratiques individuelles, existent aussi des pratiques collectives qui peuvent toucher un groupe ou tout un peuple. Alors une question se pose : faut-il “soigner les individus pour soigner un peuple” ou “soigner le peuple pour soigner les individus”. Probablement la réponse se situe-t-elle, comme bien souvent, à la croisée de ces deux concepts.


Définition

La musicothérapie est l'utilisation de la musique ou du son dans une démarche de soin identifiée lorsqu'elle est consciente, ou seulement identifiable, car chacun est musicothérapeute par ses choix. C'est une thérapie à support non verbal utilisant le son, musical ou non. La musique (ou le son) est le médiateur dans la relation soignant/soigné. La musicothérapie s'inscrit dans le champ des thérapies de soutien, d'aide au patient atteint de pathologie.

Trois dimensions de la musicothérapie sont décrites : la musicothérapie active, réceptive, et la détente psychomusicale.

Dans les sociétés technologiques utilisant sciemment le concept de musicothérapie, le musicothérapeute est un professionnel exerçant une pratique soignante fondée sur l'utilisation soignante de la musique ou du son. Par sa démarche, il souhaite favoriser le mieux-être des personnes.

Loin de certaines idées reçues qui lui attribueraient un caractère “artistique”, la musicothérapie se préoccupe du potentiel et de l’évolution de la communication thérapeutique en travaillant avec la fonctionnalité sonore et psycho-sonore du sujet. Elle lui propose ainsi un “objet intermédiaire sonore et/ou psycho-musical” dans l’objectif de tisser puis de pérenniser le lien thérapeutique, donnant toute légitimité via le thérapeute au concept même d’une thérapie.

La musicothérapie “consciente” pratiquée par les sociétés technologiques a emprunté certains concepts aux sociétés anciennes qui pratiquaient déjà (consciemment ou non) ce qu'elles n'ont jamais qualifié avec un terme spécifique. Et pour cause. Même le terme “musique” échappe au vocabulaire de nombre de langues vernaculaires. Alors comment auraient-elles pu inventer le terme “musicothérapie” !


Le cas du Cambodge sous les Khmers rouges

La musique (et l'art en général) est l'un des ingrédients de la reconstruction des individus et d'une culture en période post-conflit/crise. Elle est tellement indispensable à la vie, au même titre que la nourriture physique et spirituelle, que le génocidaire Pol Pot commença par se débarrasser des artistes pour conduire son grand programme de “reset sociétal”.

Le conflit et la violence au Cambodge, dans les années 1970, font partie de la mémoire vivante de la plupart des personnes de plus de 40 ans. Les arts et la culture du pays ont énormément souffert : 90 % des artistes ont été tués et les nombreuses traditions transmises par voie orale mises en péril. Heureusement (si l'on peut dire) cette révolution ne dura pas suffisamment longtemps pour éliminer une génération entière, a contrario de ce qui s'est passé au Vietnam par exemple. Des dégâts irremplaçables ont été perpétrés, mais des racines étaient encore vivantes au sortir de la crise, soit parce que certains artistes ont su taire leur statut, soit parce qu'il ont fui à l'étranger. Depuis, d'heureuses initiatives, nées de l'extraordinaire résilience du peuple khmer, ont vu le jour afin que les arts en général, et la musique en particulier, se régénèrent. Parmi celles-ci :

  • Le renouveau du Ballet royal du Cambodge sous l'impulsion du Ministère de la Culture et la ténacité de la princesse Norodom Buppha Devi, puis son inscription en 2008 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l'UNESCO
  • La création de l'organisation Cambodian Living Arts par Arn Chorn-Pond pour la reviviscence de la musique traditionnelle.
  • La création de Golden Silk Pheach pour la reviviscence de la soie khmère.
  • Etc.

Il existe, chez les Khmers*, un attachement culturel particulier aux temples hindouistes et bouddhistes de la période angkorienne (IXe-XIVe s.). La meilleure preuve ne trouve-t-elle pas sur le drapeau national du Cambodge où figure le célèbre temple d'Angkor Vat ? Il s'agit d'un attachement viscéral sans lequel les Khmers contemporains ne seraient pas ce qu'ils sont. Mais par-delà les temples, les Khmers sont attachés aux légendes relatives à ces monuments, à leur construction par des géants. Ils ont créé un univers mental où nombres d'entre eux se voient comme des réincarnations de rois et de reines du passé. Ils aiment à s'identifier à ces personnages réels, devenus mythiques, comme le roi Suryavarman II, bâtisseur d'Angkor Vat, ou Jayavarman VII, monarque fondateur de l'Empire bouddhiste de la fin du XIIe siècle avec ses deux épouses, les reines Indradevi et Jayarajadevi. J'ai eu moi-même l'occasion de rencontrer ces “réincarnations”. Il y en a tellement que vous ne risquez pas de les manquez si vous parlez khmer et engagez fortuitement la conversation lors de la visite des temples.

La thérapie commence donc par cette identification et tout ce qui en découle. Par exemple, l'entourage, proche ou éloigné, de ces “réincarnations”, exprime sa fierté de les connaître et d'appartenir au peuple khmer. Il n'est que de regarder les commentaires de la chaîne YouTube TUK-TUK.TV, consacrée à la culture du Cambodge, pour se rendre compte de l'attachement des Khmers à leur culture ancienne et ce, jusque dans les générations les plus jeunes.

 

*Les Khmers sont l'ethnie majoritaire du Cambodge. Ils sont liés par la royauté et la langue khmères, et la religion bouddhiste même si certains sont aujourd'hui convertis au christianisme. Les Cambodgiens regroupent les Khmers et un certain nombre d'ethnies minoritaires parlant aujourd'hui le Khmer mais aussi des langues vernaculaires, ou véhiculaires pour les personnes issues de l'immigration (chinois notamment).


Le cas de la troupe de Maître Ty Chean

Alors que le conflit des Khmers rouges n'est pas encore réglé en 1992, Maître Ty Chean, l'un des derniers détenteurs du texte du Reamker et de la pratique du théâtre d'ombres, sous l'impulsion de l'ethnomusicologue Jacques Brunet, montre la voie à la nouvelle génération. Continuer.

 


Le cas de Cambodian Living Arts

Pour redonner à lmusique traditionnelle ses lettres de noblesse, Arn Chorn-Pond fonde en 1998, après le dernier soulèvement de Pol Pot en 1997, le Programme des Maîtres-performeurs cambodgiens, qui deviendra Cambodian Living Arts (CLA). Né au Cambodge dans une famille d’artistes ayant survécu au génocide, il étudie aux USA et y œuvre quelques années comme travailleur social avant de retourner au Cambodge.

Durant vingt ans, CLA soutiendra une poignée de “maîtres” de musique qui enseigneront leurs savoirs et savoir-faire à la jeune génération. Un certain nombre d'entre eux deviendront à leur tour musiciens professionnels et enseignants.

CLA a utilisé la musique pour soigner les traumatismes, sauvegarder les traditions, redonner du sens dans la communauté et former les jeunes afin qu’ils contribuent à l’essor du pays. Cette organisation a désormais un écosystème élargi de partenaires dans d’autres régions du monde, dispensant le résultat de toutes ses années d'expérience.

Comme l’explique son actuel directeur général, Phloeun Prim, la destruction des symboles et des artefacts culturels (lieux religieux et culturels, monuments et œuvres d’art) fait partie intégrante des conséquences d’un conflit. L’opprimant, qu’il soit un autre pays ou un dictateur, cherchera à déraciner le groupe opprimé de son identité, de sa culture et instaurer sa propre vision sociétale. Comme exemple contemporain, le “gouvernement mondial” cherche à unifier les peuples autour du “Mythe Vaccinal”, nouveau lien commun entre les peuples pour mieux les asservir.


L'expérience de Patrick Kersalé

En 2009, Patrick Kersalé, ethno-archéomusicologue français, crée Sounds of Angkor (SOA), un laboratoire de recherche fondamentale et expérimentale sur la musique, la danse et les arts scéniques traditionnels et anciens du Cambodge. SOA initie une recherche sur ces patrimoines immatériels relevant de la tradition, mais aussi et surtout, des patrimoines disparus des périodes pré-angkorienne et angkorienne (VIIe-XIIIe s.) pour lesquels il existe une iconographie substantielle, une épigraphie et des objets archéologiques. Sur les murs de quelques temples importants (Angkor Vat, Bayon, Banteay Chhmar) est représenté un patrimoine matériel dont un certain nombre d'éléments (instruments de musique, carrioles à bœufs, arbalètes…)  demeurent dans le cambodge contemporain, mais aussi des éléments disparus (tenues vestimentaires, instruments de musique…). Figurent également des scènes appartenant au patrimoine immatériel (célébration de rituels, funérailles, musique, danse, etc.). Ces patrimoines du passé fédèrent la société khmère. Grâce à la coalition d'un certain nombre de nations et de quelques riches Cambodgiens, ce patrimoine est préservé et restauré depuis le début du XXe siècle (murs d'enceinte, portes, temples).

En 2012, fort d'une longue expérience sur le terrain de l'ethnomusicologie, Kersalé commence à reconstituer les instruments de musique disparus figurant dans l'iconographie des temples. En octobre de cette même année, a lieu, à l'Institut français du Cambodge à Phnom Penh, la première exposition autour de son travail. Une quarantaine d'instruments sont présentés en regard de photographies colorisées des bas-reliefs. C'est un incroyable succès. Des personnalités d'état, des membres de la cour royale, le directeur de la communication du Premier Ministre de l'Inde, et des centaines de Cambodgiens viennent visiter l'exposition et participer à ses conférences. Des larmes de joie coulent à longueur de journée sur les joues de ces Khmers qui découvrent un patrimoine séculaire oublié : Leur Patrimoine. Face à cette émotion non dissimulée, Patrick Kersalé comprend que le mission de Sounds of Angkor s'inscrit dans une démarche de reconstruction mentale des Khmers, un fil conducteur qu'il ne quittera plus et même, le dépassera…

L'aventure se poursuit en 2013 avec une prestation mémorable lors l'ouverture de la 37e session internationale UNESCO au Palais de la Paix à Phnom Penh. Sont présents de hauts fonctionnaires de l'état, la directrice générale et les ambassadeurs UNESCO de tous pays affiliés. Une occasion pour les Khmers de briller à l'échelle internationale. Lors de cette prestation, il a fallu créer quelque chose de nouveau : une musique martiale pour l'orchestre de parade militaire du roi Suryavarman II (début XIIe s.) et des musiques de cour pour les orchestres à cordes de cette même période. La musique martiale a été inspirée à la fois par la pratique musicale processionnelle des bouddhistes tibétains et par une mémoire collective des Khmers. Pour la musique de cour, le Ministère de la Culture et des Beaux-Art du Cambodge a proposé une musique considérée comme l'une des plus ancienne connue, adaptée aux “nouveaux” instruments surgis de la pierre. 

Puis vint le temps de l'enseignement et de la création : école de musique, conférences, visites de temples. 

La harpe, instrument mythique pour les Khmers, a focalisé toutes les attentions. Elle fut et demeure le pôle central du projet de SOA. Son nom n'avait jamais été oublié, de même que sa forme générale, se perpétuant à travers la peinture des monastères bouddhiques. Même si le Bouddha n'était pas un adepte de la musique instrumentale, les instruments musicaux ou de communication sonore (conques) ont toujours occupé une place dans la peinture bouddhique pour servir les rituels dépeints ou la métaphore de la Voie du milieu, l'un des fondements du Bouddhisme.

Depuis 2009, Patrick Kersalé décide seul et en conscience de tous les programmes de développement. Il doit toutefois à Cambodian Living Arts (CLA) un soutien moral et financier pour ce qui concerne le création de la troupe Sounds of Angkor. En effet, fort de l'expérience de la reconstitution instrumentale, il fallait faire revivre ces instruments. C'est alors qu'est née l'idée de la création d'une troupe qui pourrait se produire lors d'évènements officiels (gouvernement, royauté), de fêtes religieuses (processions et cérémonies bouddhiques), sur scène et à la télévision. Son développement a commencé à Phnom Penh, primo parce qu'il y vivait en 2012 et secondo parce qu'il y existait un potentiel de musiciens formés par Cambodian Living Arts. Mais la mobilisation de ces musiciens n'a pas été aisée. Kersalé organisait quotidiennement des cours de harpe khmère à son domicile avec l'aide d'un ou deux maîtres, mais les élèves, s'ils étaient volontaires, n'étaient pas doués. C'est alors qu'un garçon d'exception, Chen Sopheak, qui avait passé quinze années de sa vie dans un orphelinat de Phnom Penh, se trouva sur sa route. Chaque jour, il quittait l'orphelinat pour venir travailler les instruments, tout particulièrement la harpe, au domicile de Kersalé. Sopheak fut soutenu durant cette période par l'association Éléphant blanc, qui finançait son transport. Grâce au génie musical de ce jeune garçon (véritable Mozart cambodgien !) l'aventure de Sounds of Angkor prit un nouvel essor. Sopheak est hors norme : petit, mal-voyant, à la limite de l'autisme, mais un génie en musique. Au début, ses pairs avaient bien du mal à accepter ces différences jusqu'au jour où, au pied du mur, un musicien chevronné au fort ego, quitta la répétition après avoir été humilié, non intentionnellement, par Chen Sopheak ; il revint deux heures plus tard, reconnaissant dans un geste de soumission, la supériorité musicale de son alter ego. En 2013, Kersalé migre à Siem Reap et décroche un contrat pour Sopheak dans le plus grand palace de la ville. Il y jouera durant quatre années. 


La troupe Sounds of Angkor

La troupe Sounds of Angkor se développa sur une base de 22 membres, musicien-nes et danseuses. Elle eut l'occasion de réaliser de belles performances auprès de Sa Majesté Norodom Sihamoni roi du Cambodge, d'autorités gouvernementales cambodgiennes, de représentants d'organisations internationales, de fêtes religieuses, etc. Pour maintenir et développer la troupe, CLA et SOA ont cherché à créer un spectacle permanent à Siem Reap. Le directeur de CLA s'est déplacé, usant de ses relations, mais la ville n'avait pas de lieu pour accueillir la troupe. Il y avait pourtant un fort potentiel touristique puisque Siem Reap accueille chaque année des millions de visiteurs qui viennent découvrir les temples khmers. Elle demeure néanmoins une petite ville de province qui a vu se construire de nombreux hôtels dont plusieurs 5 étoiles, mais pas de salle de spectacle. C'est finalement le monastère bouddhiste de Vat Reach Bo qui accueillit la troupe pour des représentations occasionnelles à destination des touristes. 

Malgré la modestie des moyens et des représentations, l'aura de la troupe fut portée par les médias et au travers de conférences données à Phnom Penh et Siem Reap. L'Université royale des Beaux-Arts de Phnom Penh a ouvert une classe de harpe khmère, démultipliant ainsi l'action de SOA. Le facteur de harpe Keo Sonan Kavei a fabriqué (et continue de fabriquer) des harpes par dizaines, ayant même difficulté à répondre à la demande. De plus en plus de musicien-nes commencèrent à jouer la harpe en public. Mieux encore, le compositeur Him Sophy intégra deux harpes dans son œuvre symphonique Bangsokol : A Requiem for Cambodia. Des troupes concurrentes virent le jour à Phnom Penh ou bien commencèrent à intégrer des instruments révélés par les recherches de SOA.


Bangsokol : A Requiem for Cambodia

Bangsokol : A Requiem for Cambodia est la première œuvre symphonique majeure du Cambodge à aborder les traumatismes de la fin des années 1970. Elle fusionne voix, musique, mouvement et images. La partition associe un orchestre de chambre et un chœur occidentaux à des instrumentistes et des chanteurs khmers traditionnels.

Une sélection des meilleurs musiciens et chanteurs traditionnels cambodgiens, tels que Sophy Keo et Savy Him, s'est associée à des joueurs d'instruments à cordes du Yong Siew Toh Conservatory of Music de Singapour. La musique est du compositeur Sophy Him et une partie de la scénographie du cinéaste Rithy Panh.


Premier bilan

Avant que le COVID ne vienne tout chambouler, nous pouvons tirer un premier bilan de l'action de SOA au Cambodge :

  • Une recherche de 10 ans en archéomusique et la publication de la totalité des résultats sur le net (écrits, films).
  • La reconstitution de tous les instruments angkoriens visibles sur les bas-reliefs et identifiés dans l'épigraphie.
  • La création d'expositions permanentes (Theam's Gallery à Siem Reap) et temporaires, de spectacles à Phnom Penh et Siem Reap.
  • La participation au Comité international de coordination pour la sauvegarde du patrimoine culturel - CIC UNESCO.
  • La création de conférences et de formations auprès de politiques, de chercheurs, d'universitaires, d'écoliers, de guides touristiques.
  • Des visites de temples avec des écoliers, des universitaires, les autorités du Parc archéologique d'Angkor, la ministre de la Culture.
  • La participation à des évènements majeurs de la vie culturelle du Cambodge organisés par la cour royale, le gouvernement, des organisations internationales, des monastères, des privés…
  • La création d'une classe de harpe à l'Université royale des Beaux-Arts et d'écoles privées.
  • La présence de la harpe dans l'œuvre symphonique Bangsokol : A Requiem for Cambodia qui fut jouée sur trois continents.
  • L'avènement de la harpe sur la scène du Ballet royal du Cambodge.
  • Le retour de la harpe dans diverses couches sociales de la société khmère y compris chez les Khmers Krom du Viet Nam. 
  • La création d'instruments prestigieux permettant à des artisans de retrouver des savoir-faire.
  • Le retour de la harpe khmère au Palais royal du Cambodge après plusieurs siècles d'absence grâce au soutien de Cambodian Living Arts.

La Nation khmère  (et non pas cambodgienne !) panse ses blessures en se reconnectant à son passé le plus prestigieux : la période angkorienne. Au XIIe siècle, Angkor était la plus grande cité du monde. Les dernières recherches parlent de 700 000 habitants. SOA contribue à faire chanter les pierres. Le gouvernement, à travers son Ministère de la Culture et des Beaux-Arts, s'est emparé du résultat de ce travail pour communiquer. La plupart des Khmers peuvent de nouveau voir et entendre  la harpe khmère sur scène ou à la télévision, et ainsi retrouver un soupçon de fierté. 


Particularismes de la démarche de Patrick Kersalé

Durant les neuf premières années de sa carrière professionnelle, Kersalé a travaillé pour l'administration française, ex- France Télécom. Lorsque, à la fin des années 1980, apparurent les prémices d'une privatisation, il décide de rejoindre dans le secteur privé plutôt que de succomber aux charmes des “diseurs de bonne aventure” délégués par le gouvernement : carrière, promotion, salaire, etc. Neuf autres années se sont déroulées avec bonheur dans deux entreprises privées, là où chacun fait son travail et pas celui des autres ! Puis, en 1995, c'est le grand saut vers une totale indépendance qu'il ne reniera jamais. Il décide, finance, agit au gré de son intuition, des besoins, dans les limites de ses savoir-faire. Lorsqu'il a besoin de compétences complémentaires, il les trouve dans son carnet d'adresses. Jamais il n'a fléchi. Même hospitalisé, il a continué à travailler. Son but ? Le bien commun, le partage des idées et des connaissances, la défense des droits des minorités ethniques. Il montre la beauté du monde. Son sérieux n'a d'égal que sa joie de vivre et son humour. À la fois aventurier et casanier. Donnez-lui la liberté, il parcours les forêts ou la savane à la recherche d'un musicien. Confinez-le, il écrit, monte des films documentaire et publie. Il a acquis une totale autonomie en terme de publications grâce à Internet. Il va à l'essentiel. Les diatribes de comptoir ne l'intéresse pas. Il aime avant tout le travail et l'efficacité. Occupé mais toujours disponible s'il faut porter la bonne parole devant un auditoire. Il est aussi à l'aise devant un public de maternelle que devant une assemblée de politiques ou de scientifiques. Mais quel rapport avec la musicothérapie post-conflit ? Il y en a une, de taille ! La capacité de Kersalé à s'infiltrer dans tous les milieux sans faire de vague, à porter la bonne parole, à redonner de la fierté partout où il prend la parole. Mais aussi à faire bouger les lignes, notamment au Cambodge face aux esprits endormis par des croyances séculaires. Mais rassurez-vous, nous sommes attachés à nos croyances, quelque soit notre société. Par exemple, penser que la France est une démocratie n'est qu'une croyance.

Comme le dit souvent Kersalé, on peut toujours trouver des moyens financiers, mais comment trouver et préserver une passion ? La trouver ? Elle est en soi ou ne l'est pas. La préserver ? Cela nécessite une stratégie, celle de la protection contre les forces de la désinformation, de la manipulation, de l'arrogance des chercheurs salariés. En agissant dans l'ombre, seul, il est possible de passer les frontières les plus imperméables.

Patrick Kersalé, ce sont des dizaines de conférences devant toutes les classes sociales et d'âges, des centaines de documents vidéos qui circulent sur la Toile, ou encore des centaines de médias qui nourrissent la fierté du peuple cambodgien pour l'aider à se reconstruire.


Périodes COVID et post-COVID

Le COVID a paralysé la quasi totalité des activités de Sounds of Angkor (hormis la recherche et les publications). La ville de Siem Reap a été décimée économiquement avec la perte de 100% de ses touristes étrangers. La plupart des hôtels et des restaurants ont fermé. Plus aucun spectacle n'a été donné depuis le début de la pandémie. Demeurent les hommes et les femmes qui ont été formés. 

Le pays attend fébrilement re retour des touristes. Jusqu'en juin 2021, le gouvernement envisageait une réouverture des frontières pour les voyageurs vaccinés au quatrième trimestre. Mais le variant delta semble vouloir changer la donne… Wait and see.


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