Luth


MAJ : 3 décembre 2023


Bien que connu dans l’Inde ancienne, aucun luth n’est représenté dans l’iconographie khmère. Or, deux termes préangkoriens semblent s’y référer : lāv (?) et trisarī. Ce dernier est probablement un luth tricorde comme l’indique le préfixe du mot.
L'instrument ci-contre a été reconstruit d'après l'épigraphie du Cambodge et l'iconographie du Champa, du Siam et du temple de Borobudur (Java, Indonésie).

 



Le luth de Pawaya (Inde)

Fragment de linteau du site de Pawaya. Madya Pradesh. Inde. Période Gupta IVe - Ve s.
Fragment de linteau du site de Pawaya. Madya Pradesh. Inde. Période Gupta IVe - Ve s.

Le luth piriforme existait en Inde à l'époque Gupta. Quelques rares sculptures corroborent les représentations siamoises, chames et indonésienne mentionnées ci-après. Nous présentons ici le linteau de Pawaya, visible au Gujari Mahal Archeological Museum également connu sous le nom de Gwalior Fort Archeologic Museum. Il montre clairement, en bas à gauche, un luth à caisse de résonance piriforme.

Les instruments qui composent cet orchestre sont à rapprocher des listes d'instruments du temple de Lolei (IXe s.).

 


Les luths piriformes en Asie du Sud-Est

1. Musiciens. Borobudur. Java, Indonesie. IXe s.
1. Musiciens. Borobudur. Java, Indonesie. IXe s.

Osons un rapprochement entre les listes de Lolei du IXe s. (K.324S & N, 327S & N, 330S & N, 331S & N) et deux hauts-reliefs de la même époque dans d'autres territoires : Thaïlande (photo 2), Vietnam (3), Borobudur - Java (1, 4). Tous ces luths ont en commun une caisse de résonance piriforme ou oblongue. Ils possèdent de deux à cinq cordes.


Observons en détail la sculpture de Borobudur  (1) :

  • Au registre inférieur, de gauche à droite : cithare sur bâton, luth tricorde, flûte traversière. Des personnages, dont les mains et les bras sont dissimulés, jouent peut-être des instruments dupliqués. D’autres ont un rôle indéterminé.
  • Au registre supérieur, de gauche à droite : tambour cylindrique frappé avec deux bâtons, tambour cylindrique frappé avec une main nue et un bâton, petit tambour en forme de tonneau porté et frappé à mains nues, grand tambour en tonneau posé horizontalement et frappé à mains nues, paire de tambours posés verticalement (non joués), deux chanteurs frappant dans leurs mains. Mêmes remarques que précédemment pour les personnages en partie dissimulés.

Dans les listes de donations du temple de Lolei, il est question de joueuses de percussions, de cymbalettes, de cithares, de harpes, de lāv, de trisarī, de chko. Nous retrouvons, dans ce haut-relief de Borobudur, certains de ces instruments. Le luth tricorde pourrait être le trisarī.


Le haut-relief cham (3) montre un instrument différent mais lui aussi avec trois cordes. Quant
 à lāv, s’agit-il également d’un luth ? La racine du mot le laisse penser.

 

2. Musiciennes. Plaque extraite d'un stupa sur le site n° 10 de Ku Bua, Ratchaburi. Seconde moitié du VIIe siècle. Musée National, Bangkok.
2. Musiciennes. Plaque extraite d'un stupa sur le site n° 10 de Ku Bua, Ratchaburi. Seconde moitié du VIIe siècle. Musée National, Bangkok.

3. Trois cordes luth. Cham. Vietnam. Mỹ Son E1.

Musée Đà  Năng. Début du VIIIe siècle.

4. Luth tricorde. Borobudur. Java, Indonésie. IXe siècle.

L'ensemble instrumental du Siam (2) est composé de trois instruments appartenant à la liste de Lolei, de droite à gauche : cithare, cymbalettes, luth. Quant à la sculpture de la photo 4, elle montre un luth et une harpe, instruments appartenant à la liste de Lolei. La cithare semble être faite d'un gros bambou avec un résonateur en calebasse. Il pourrait s'agir d'une cithare idiocorde comme il en existe encore en Asie du Sud-Est.
Il est provisoirement conclu qu'entre le VIIe et le IXe siècle, le luth était joué dans la grande région hindouisée et bouddhisée d'Asie du Sud-Est.