Flûtes de Pan


MAJ : 6 novembre 2023


Il existe deux types de flûtes de Pan chez les minorités ethniques du Cambodge : en faisceau et en radeau, la première jouée par les Jarai et la seconde par les Kreung.


Flûte de Pan en faisceau des Jarai

On dénomme flûte de Pan en faisceau une flûte polycalame dont les tuyaux sont organisés en fagot. Par habitude, on appelle cet instrument “flûte de Pan” parce que l'organologie occidentale considère la structure intrinsèque de l'instrument, faisant fi de la technique de jeu. Dans le cas présent, les tuyaux sont maintenus à distance pour recevoir un jet d’air grossier. Or le jeu de la flûte se caractérise par une lame d'air qui vient se briser sur un biseau, ce qui n'est pas le cas ici. La résultante du jeu est un bruit blanc contenant toutes les fréquences voisines du son fondamental défini par la longueur du tuyau, enrichi harmoniquement par les tubes adjacents. Contrairement à une flûte de Pan, les tuyaux sont ici ouverts à leur extrémité inférieure.

Au Ratanakiri, quelques rares femmes connaissent encore le jeu du ding jön (appelé et orthographie đĭng dek par les Jörai du Vietnam). Il est constitué de onze tuyaux de bambous ligaturés. L’extrémité inférieure des tubes est ouverte et taillée en biseau. 

Autrefois, cet instrument était joué exclusivement par les femmes à l’intérieur ou à l’extérieur de la maison, le soir ou de bon matin, avant de commencer le pilage du riz. Son faible volume sonore en fait un instrument intime.

Pour jouer, la musicienne présente l’ouverture des tubes à une dizaine de centimètres de sa bouche et envoie de l’air à l’intérieur en déplaçant simultanément l’instrument et la tête. Le souffle s’accompagne d’un frullato (roulement continu de la langue). Afin de rendre plus vivante encore la pièce musicale, elle ajoute un accompagnement rythmique en brossant avec le pouce l’extrémité supérieure des tuyaux les plus accessibles. Les mélodies interprétées sur cet instrument appartiennent au répertoire chanté, principe caractéristique de toutes les pièces instrumentales des peuples de cette région.

Cette séquence a été tournée dans le village jarai de Pok Thom (Ratanakiri) le 12 février 2010. Musicienne : Madame Sol Miang.

 



La flûte de Pan en radeau des Kreung

On dénomme flûte de Pan en radeau, une flûte polycalame dont les tuyaux sont juxtaposés et ligaturés à plat.

Les remarques d'usage établies pour l'instrument jarai concernant l'appellation “flûte” s'appliquent à cet instrument. 

Celui de la photo est appelé het hot, un terme onomatopéique. Les tuyaux de bambou sont ouverts aux deux extrémités.

Pour jouer, l'instrument est tenu à deux mains ; le pouce de la main droite brosse l’extrémité des tuyaux les plus graves. Ce son résultant, appelé “buk buk”, accompagne la mélodie.

Les filles apprennent à jouer dès l’adolescence car l’instrument est utilisé dans les rituels amoureux. Elles jouent généralement la nuit et le son “buk buk" indique que la jeune fille a des sentiments pour le garçon qui chante ou joue sous sa maison. Les filles jouent aussi en groupe durant la journée, organisant des compétitions informelles.

Jeu d'une flûte de Pan en radeau

Cette séquence a été tournée dans le village kreung de Kong Cheung (Ratanakiri) le 18 février 2010. La pièce est interprétée par Madame Pang (33 ans). Elle est la fille de la femme sur la photo ci-dessus. On remarquera les différences dans la tenue de l'instrument.

 


Fabrication d'une flûte de Pan en radeau

Cette séquence a été tournée en janvier 2012 dans le village kreung de Kro Pou (Ratanakiri).

Il s'agit un document exceptionnel sur le plan musicologique car il témoigne du système de pensée des Kreung et, d'une manière générale, des ethnies de cette région. En effet, les seuls outils de mesure traditionnels sont les dimensions corporelles et les rapports qu'elles entretiennent entre elles. Le couteau à long manche, calé sous le bras, est utilisé par toutes les ethnies de la région. La lame opère toujours vers l'extérieur. Les gestes sont d'une grande précision. 


Concernant l'échelle musicale, on découvre ici que ce n'est pas l'oreille qui détermine la hauteur des sons mais bien un système de proportions édicté par la tradition. Il en va de même pour la fabrication de tous les objets de ces sociétés (instruments de musique, maisons, greniers à riz, mobilier, outils, etc).